La Communication haute en couleur

Expressions colorées est un blog bilingue sur l'art, la traduction et le jardinage.


Cliquez sur le drapeau pour afficher la version anglaise.



Colourful Language

Colourful Language
http://colourfullanguage.blogspot.com

Un petit paradis caché dans la banlieue

Un petit paradis caché dans la banlieue
Cliquez sur l'image pour un tour virtuel du jardin

Au sujet de ce blog

L'art, la peinture, l'illustration et le jardinage, et puis deux langues : l'anglais et le français - autre que l'intérêt personnel que j'y porte, y a-t-il un rapport réel entre ces activités apparemment si diverses ? Je m'interroge sur cette question depuis la création de ce blog, qui présente mes pensées et mes réactions non seulement à mon travail comme traductrice mais aussi aux autres activités auxquelles je consacre mon temps. Naturellement, ces intérêts et ces compétences correspondent à mes expériences personnelles : ce sont les compétences que j'ai acquises au fur et à mesure sans toujours savoir vers où je me dirigeais, et que d'ailleurs je continue à développer. Sont-elles trop variées pour un seul blog qui devrait se concentrer sur un contenu unique ? C'est possible mais elles sont peut-être liées par autre autre chose que le hasard ?

En ce qui me concerne, étudier une langue, la peinture, et désormais le jardinage, me permet d'entrer en contact avec les gens dont je n'aurais pas autrement eu l'occasion de faire la connaissance. Ainsi, je me demande si ce qui lie mes intérêts les uns aux autres est moins ma participation que la communication résultant de ces activités. Considérer par exemple le dicton anglais "say it with flowers " qui nous encourage à s'exprimer avec des fleurs. Certes, il s'agit d'une forme d'expression, voire une langue, bien adaptée à ces gens censés être à la fois si réservés et si passionnés pour l'horticulture que sommes nous les Anglais ! On peut donc conclure que le jardinage facilite la communication humaine. De même pour toute activité qui permet aux gens de s'exprimer, de se réunir autour d'un intérêt commun, de partager leurs idées et leurs expériences. Ainsi pour le sport (une autre activité que je pratique avec enthousiasme!) qui est toujours un bon prétexte pour se rencontrer, fédérer nos efforts et éprouver du plaisir par notre participation commune. Le rapport entre toutes ces activités est donc réel : toutes ces occupations sont la preuve d'un emploi constructif du temps qui permet de créer quelque chose de positif, de participer à quelque chose plus grand que chacun de nous : à une communauté.

De surcroit, le jardinage tout comme l'art mais aussi l'écriture et la traduction, nous permet d'apporter un peu de couleur (dans un sens littéral ainsi que métaphorique) à nos vies. Faute de cette expression humaine la vie serait... monotone. D'ailleurs, ces activités donnent du plaisir aux gens ; elles les font sourire ! Y a-t-il une meilleure recette pour entamer une conversation qu'avec un sourire ?

Enfin, quand j'explique ce que je fais dans la vie (ce qui m'est difficile puisque aucun chapeau ne me sied parfaitement car en plus de mon activité de traductrice, je m'exprime aussi avec un pareil engagement à travers d'autres activités) quand j'explique ce que je fais, faut-il que je dise que "je suis communicatrice" ou, sans vouloir être trop prétentieuse, "technicienne de la communication" ! Sûrement je ne suis pas seule dans ce cas. Si vous aussi vous avez du mal à vous catégoriser mais vous appréciez la communication quelle que soit sa forme et vous savez communiquer, faites-moi le savoir car communiquer, quelle que soit la langue, c'est écouter autant que parler !

PS : A ceux dont l’œil perçant a pu remarquer les différences qui se sont glissées dans les versions anglaises et françaises de mes textes, à ces personnes-là je dis : non seulement je traduis mais parfois j'aime m'exprimer aussi en anglais qu'en français. Bien entendu, traduire et s'exprimer, ce n'est pas tout à fait la même chose.

mardi 7 avril 2009

Un jardin grand comme un mouchoir de poche.

Mes parents habitent à deux pas de la Vallée des roches à Lynton, près des landes d'Exmoor dans le Devon du nord. Ils ont un tout petit jardin, grand comme un mouchoir de poche, pour ainsi dire. En avril, mon ami et moi nous sommes joints à mes parents afin de leur aider à amenager le jardin ; l'objectif : optimiser cette espace restreinte. Voici ce que nous avons pû réalisé en trois à quatre jours :

Avant... et après trois à quatre jours de travail...


mercredi 4 mars 2009



Nous habitons en face d'une terre en jachère où un vieux cheval pâture. Un asile sans doute pour toutes sortes d'animaux, c'est une réserve naturelle non officielle - voire sauvage - et parmi les oiseaux que l'on peut parfois y voir figure la créserelle qui de temps à l'autre s'aventure jusqu'à notre jardin de derrière, attirée par les souris qui s'égarent avec négligence de la sécurité de la cabane de jardin.
Un autre dessein réalisé à l'ordinateur.

mardi 3 mars 2009

Les oiseaux du jardin

L'hiver tire à sa fin et les premiers signes de l'arrivée du printemps sont à voir dans le jardin : tout d'abord les perce-neiges, puis les crocuses et maintenant les jonquilles sont en fleur. Les oiseaux aussi sont de retour et commencent à chanter à nouveau. D'où l'idée de ce dernier projet pour mon blog : les croquis/peintures des oiseaux du jardin accompagnés des commentaires.


Réalisé à l'ordinateur, la première illustration est d'un merle qui se nourrit dans un sureau. Bien entendu il s'agit d'un spectacle autumnal. Le merle noir est surtout un oiseau qui se nourrit au sol, bougeant en effectuant des séries de courts sauts en courant. Pour extraire un ver du sol, il sautille rapidement sur place et le capture avec le bec, le tirant lentement de la terre.

Très souvent vu dans les jardins de l'Angleterre, surtout au printemps quand il a des poussins à nourir, le merle s'identifie facilement non seulement par son plumage mais aussi son chante glorieux.

Le Merle
Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon (1707-1788) décrit le merle dans son Histoire naturelle : Le mâle adulte dans cette espèce est encore plus noir que le corbeau, il est d'un noir plus décidé, plus pur, moins altéré par des reflets : excepté le bec, le tour des yeux, le talon et la plante du pied, qu'il a plus ou moins jaune, il est noir partout et dans tous les aspects ; aussi les Anglais l'appellent-ils l'oiseau noir par excellence.

lundi 19 janvier 2009

La Maison de Claudine par Colette

Qui aime jardiner doit apprécier les oeuvres de Colette.
Voici un extrait que j'ai traduit de La Maison de Claudine, Où sont le enfants ?
Comme d'hab., la version originale suivie par ma traduction vers l'anglais.
____________________________________________________________________

La maison était grande, coiffée d'un grenier haut. La pente raide de la rue obligeait les écuries et les remises, les poulaillers, la buanderie, la laiterie, à se blottir en contre-bas tout autour d'une cour fermée.
Accoudée au mur du jardin, je pouvais gratter du doigt le toit du poulailler. Le Jardin-du-Haut commandait un Jardin-du-Bas, potager resserré et chaud, consacré à l'aubergine et au piment, où l'odeur du feuillage de la tomate se mêlait, en juillet, au parfum de l'abricot mûri sur espaliers. Dans le Jardin-du-Haut, deux sapins jumeaux, un noyer dont l'ombre intolérante tuait les fleurs, des roses, des gazons négligés, une tonnelle disloquée… Une forte grille de clôture, au fond, en bordure de la rue des Vignes, eût dû défendre les deux jardins ; mais je n'ai jamais connu cette grille que tordue, arrachée au ciment de son mur, emportée et brandie en l'air par les bras invincibles d'une glycine centenaire…
La façade principale, sur la rue de l'Hospice, était une façade à perron double, noircie, à grandes fenêtres et sans grâces, une maison bourgeoise de vieux village, mais la roide pente de la rue bousculait un peu sa gravité, et son perron boitait, six marches d'un côté, dix de l'autre. Grande maison grave, revêche avec sa porte à clochette d'orphelinat, son entrée cochère à gros verrou de geôle ancienne, maison qui ne souriait que d'un côté. Son revers, invisible au passant, doré par le soleil, portait manteau de glycine et de bignonier mêlés, lourds à l'armature de fer fatiguée, creusée en son milieu comme un hamac, qui ombrageait une petite terrasse dallée et le seuil du salon… Le reste vaut-il la peine que je le peigne, à l'aide de pauvres mots ? Je n'aiderai personne à contempler ce qui s'attache de splendeur, dans mon souvenir, aux cordons rouges d'une vigne d'automne que ruinait son propre poids, cramponnée, au cours de sa chute, à quelques bras de pin. Ces lilas massifs dont la fleur compacte, bleue dans l'ombre, pourpre au soleil, pourrissait tôt, étouffée par sa propre exubérance, ces lilas morts depuis longtemps ne remonteront pas grâce à moi vers la lumière, ni le terrifiant clair de lune – argent, plomb gris, mercure, facettes d'améthystes coupantes, blessants saphirs aigus –, qui dépendait de certaine vitre bleue, dans le kiosque au fond du jardin.
Maison et jardin vivent encore, je le sais, mais qu'importe si la magie les a quittés, si le secret est perdu qui ouvrait – lumière, odeurs, harmonie d'arbres et d'oiseaux, murmure de voix humaines qu'a déjà suspendu la mort – un monde dont j'ai cessé d'être digne ?…

WHERE ARE THE CHILDREN?
Topped with a high attic, it was a big house with stables and outhouses, chicken coops, a washhouse and a dairy that because of the steep slope of the street were forced together in a huddle around an enclosed, lower courtyard.
Leaning against the garden wall, I could scratch the roof of the chicken house with my finger. The upper garden overlooked the lower garden: a narrow and warm kitchen garden set aside for growing aubergines and peppers, where, in July, the smell of tomato leaves mixed with the scent of the apricots ripening on their espaliers. In the upper garden: two twin pines, a walnut tree whose unforgiving shade killed off any flowers, roses, a neglected lawn, a dislocated tunnel… A sturdy iron fence at the bottom of the garden along the length of the rue des Vignes must have once protected the two gardens but I only ever saw the fence twisted and torn from its cement base and brandished in air by the invincible branches of a hundred year old wisteria…
Overlooking the rue de l’Hospice the front of the house was unattractive. Blackened with age, it was adorned with large windows and a stone stairway that led to the front entrance; an old, bourgeois, village house whose serious bearing was eased slightly by the steep slope of the road, which seemed to cause the perron, with 6 steps on one side and 10 on the other, to limp.
Large and austere-looking, with a porch and carriage gate with an enormous old prison latch, it was a house that smiled on one side only: the back where, out of sight of the passer-by, bathed in sunlight, it sported a cloak of wisteria and bignonia that shaded a small, tiled terrace and the door to the living room, a cloak that weighed heavy on the tired iron framework, which had sunk like a hammock in the middle… Is there any point in continuing my description when words alone are not enough? I wont be able to help anyone envisage the splendour that endures in my memory of the red ribbons of the autumn vines collapsing under their own weight, clinging as they fall to some conifer branches. I cannot make the clumps of lilacs - whose compact flowers, blue in the shade, purple in sunlight, quickly fade, suffocated by their own exuberance – I cannot make lilacs that died years ago reach again out towards either the sunlight or the terrifying light of the moon which, as it passed through the blue window lights of the kiosk at the bottom of the garden could turn from silver, lead-grey mercury, to sharp facets of amethysts and sapphir.
The house and garden are still there, I know, so does it matter if the secret ingredient that brought to life a harmony of trees and birds, a murmur of human voices that have already put death on hold, the magic that opened a world of light and smell of which I am no longer worthy, does it matter if this has gone?

mercredi 10 décembre 2008

Pour l'amour d'une seule fleur

Voici un autre texte qui évoque sinon le jardinage, le besoin d'aimer quelque chose, en l'occurrence une fleur ! J'afficherai d'autres extraits du Petit Prince car la Fleur y joue un rôle important et elle aussi, elle a son mot à dire.

Le Petit Prince est disponible sur l'Internet à : http://www.ebooksgratuits.com/ebooks.php
____________________________________________________________________
Extrait du Le Petit Prince par Antoine de Saint-Exupéry, Chapitre VII
(La version originale est suivie de ma traduction (en orange).)
____________________________________________________________________
– Mais non ! Mais non ! Je ne crois rien ! J’ai répondu n’importe quoi. Je m’occupe, moi, de choses sérieuses !
Il me regarda stupéfait.
– De choses sérieuses !
Il me voyait, mon marteau à la main, et les doigts noirs de cambouis, penché sur un objet qui lui semblait très laid.
– Tu parles comme les grandes personnes !
Ça me fit un peu honte. Mais, impitoyable, il ajouta :
– Tu confonds tout… tu mélanges tout Il était vraiment très irrité. Il secouait au vent des cheveux tout dorés :
– Je connais une planète où il y a un Monsieur cramoisi. Il n’a jamais respiré une fleur. Il n’a jamais regardé une étoile. Il n’a jamais aimé personne. Il n’a jamais rien fait d’autre que des additions. Et toute la journée il répète comme toi : « Je suis un homme sérieux ! Je suis un homme sérieux ! » et ça le fait gonfler d’orgueil. Mais ce n’est pas un homme, c’est un champignon !
– Un quoi ?
– Un champignon !
Le petit prince était maintenant tout pâle de colère.
– Il y a des millions d’années que les fleurs fabriquent des épines. Il y a des millions d’années que les moutons mangent quand même les fleurs. Et ce n’est pas sérieux de chercher à comprendre pourquoi elles se donnent tant de mal pour se fabriquer des épines qui ne servent jamais à rien ? Ce n’est pas important la guerre des moutons et des fleurs ? Ce n’est pas plus sérieux et plus important que les additions d’un gros Monsieur rouge ? Et si je connais, moi, une fleur unique au monde, qui n’existe nulle part, sauf dans ma planète, et qu’un petit mouton peut anéantir d’un seul coup, comme ça, un matin, sans se rendre compte de ce qu’il fait, ce n’est pas important ça !
Il rougit, puis reprit :
– Si quelqu’un aime une fleur qui n’existe qu’à un exemplaire dans les millions et les millions d’étoiles, ça suffit pour qu’il soit heureux quand il les regarde. Il se dit : « Ma fleur est là quelque part… » Mais si le mouton mange la fleur, c’est pour lui comme si, brusquement, toutes les étoiles s’éteignaient ! Et ce n’est pas important ça !
Il ne put rien dire de plus. Il éclata brusquement en sanglots. La nuit était tombée. J’avais lâché mes outils. Je me moquais bien de mon marteau, de mon boulon, de la soif et de la mort. Il y avait, sur une étoile, une planète, la mienne, la Terre, un petit prince à consoler ! Je le pris dans les bras. Je le berçai. Je lui disais : « La fleur que tu aimes n’est pas en danger… Je lui dessinerai une muselière, à ton mouton… Je te dessinerai une armure pour ta fleur… Je… » Je ne savais pas trop quoi dire. Je me sentais très maladroit. Je ne savais comment l’atteindre, où le rejoindre… C’est tellement mystérieux, le pays des larmes.

”No ! Of course not. I don’t believe in anything!” I was just talking for the sake of it. “I’m busy. I have serious work to do.”
He looked at me, amazed. ”Serious work!”
”Serious work!”
He was watching me, a hammer in my hand, my fingers black with oil, leaning over an object, which for him was very ugly.
“ You sound just like adult! “ That made me feel rather ashamed. But he was pitiless and added: You’re confusing everything… you’re getting everything muddled! He was really annoyed. His golden hair was shaking in the wind.
"I know a planet where there’s a purple-faced gentleman. He’s never smelt a flower. He’s never wondered at a star. He’s never loved anyone. He’s never done anything other than his sums. And all day he says the same thing, just like you: “I’m an important man! I’m an important man!” and that puffs him up with pride. But he’s not a man, he’s a mushroom!"
"A what ?"
"A mushroom ! "
The little prince was now white with anger. "For millions of years flowers have been growing thorns. For millions of years sheep have been eating these very same flowers. Don’t you want to know why flowers take so much trouble to grow thorns that are never any good for anything? Doesn’t that matter? Doesn’t it matter that the sheep and the flowers are at war? Isn’t that more important than the fat purple-faced man’s additions? I know a flower, it’s unique, there’s none other like it in the world, it only grows on my planet, and one day a little sheep might eat it just like that, without even realising what it’s done. Doesn’t that matter to you?"
He was turning red. Then he said: "When you love a flower so unique that there is just one place it will grow in all of the universe, well, it makes you happy when you look at the stars because you know your flower is out there somewhere. But if a sheep were to eat your flower, the universe would suddenly be a much sadder place. Doesn’t that matter to you?”
There wasn't any more he could say as he suddenly started sobbing. It was now dark. I’d put my tools down. My hammer, my bolt, my thirst and my hunger, what did any of it matter anyway? Out there, somewhere under the stars, on a planet, on my planet, on Earth, there was a little prince who needed me. I wrapped my arms around him and, rocking him gently, said: “Your flower is safe… I’ll draw a muzzle for your sheep… I’ll draw a shield to protect your flower… I’ll…” I didn’t really know what to say. I felt very awkward. I didn’t know how to reach him; I didn’t know where he was… he was in such a strange, sad place."

vendredi 28 novembre 2008

Retour au Paradis terrestre et à l'âge d'innocence

Le Verger, de Daphnis et Chloé,
par Marc Chagall

L'extrait de L'Immoraliste par Gide que j'ai traduit (voir ci-dessous) retrace un moment charnière dans le récit du narrateur. Celui-ci nous raconte comment il a pris conscience de la renaissance de son être sensuelle suite à sa longue maladie.

Evoquant les premières sorties qu'il a pu réaliser lors de sa convalescence, Michel relate sa découverte des jardins à Biskra cachés aux regards par les hauts murs de cette ville en Algérie où il séjourne avec sa femme. Guidé par celle-ci, il déambule le long des petits chemins de la ville. Un trou dans le haut mur qui flanque le sentier leur permet d'apercevoir un paysage luxuriant qui les séduit, les poussant à faire détour. Leur curiosité est bien normale. La verdure du verger tranche sur la stérilité de la terre et des murs de boue desséchés qui enferment les sentiers de la ville ; la palmeraie est une véritable oasis - c'est un endroit de beauté et de calme ; un endroit de répit et de rétablissement pour les sens autrement atrophiés par l'ordinaire.

Le jardin doit être le symbole éternel et par excellence de la renaissance et du rajeunissement moraux. D'ailleurs, enfermé ici par les hauts murs de la ville, il s'agit d'un endroit à l'abri du regard inopportun et indiscret de l'Autre et... de sa censure. Ne s’agit-il pas, pour cette raison, de la représentation même du ventre de la Mère ? Et Michel s'y retire ! S'y allongeant a même le sol il ferme ses yeux afin de s'isoler du monde - il s'éloigne même de sa femme. Il se replie sur soi-même écoutant à nouveau ses sens, son cœur. Il se laisse bercer par, et s'enivre des bruits des roucoulements des tourterelles, du gazouillement du ruisseau, et, dans les hauts des arbres, du bruissement d'un léger vent qui se fait l'écho de l'émoi que ressent Michel devant la renaissance de sa sensualité. Désarmé par son repos et ses contemplations, il est envouté par le son harmonieux d'une flûte dont joue un chevrier. Ses inhibitions ainsi adoucis, Michel succombe au délice de son réveil spirituel et sensuel.

Quelques heures plus tard, Michel est de retour à l'oasis mais sa femme n'est plus là. Il retrouve le chevrier qui continue à l’enchanter, cette fois-ci par ses explications sur ses responsabilités par rapport à ses animaux et à la palmeraie. Lassif n'a que 12 ans mais il s'occupe bien des bêtes et des plantes sous sa charge : il sait protéger et calmer les animaux, apaisant et étanchant leur soif ainsi que celle des arbres, mais seulement quand le besoin le nécessite.

Ce n'est pas difficile de comprendre la polémique qu'a incitée L'Immoraliste lors de sa première parution : Michel fait le récit d'un lieu paradisiaque où des enfants, à titre de bergers, font office de guide et semblent voués à leurs charges. Le moins que l'on ne puisse dire est que les inférences déconcertent. De surcroit, l'image charmante d'un enfant qui joue de la flûte dans un paysage bucolique doit être métaphorique et ce à plusieurs niveaux : dans un premier temps elle évoque l'innocence, mais aussi l’enchantement et l'apaisement des sens et par extension la séduction, la tentation, et même la transgression éventuelle. Le chevrier de L'Immoraliste, représente-t-il le Serpent dans le jardin ?
Mettant de côté la polémique, quand je lis le récit que fait Michel de son rétablissement je ne peux pas m'empêcher à penser aux paysages de Marc Chagall, par-dessus tout à la série de lithographies sur Les Amours pastorales de Daphnis et Chloé, la légende mythique qui raconte comment l'idylle que vivent ces deux enfants-bergers est contrariée par toutes sortes d’obstacles qu'ils doivent surmonter.
Les 42 lithographies de ce série par Chagall peuvent être consultées à :

dimanche 23 novembre 2008

L'Immoraliste de Gide

L'Immoraliste est disponible en ligne à :
http://www.ebooksgratuits.com/ebooks.php
Extrait de L'Immoraliste (1902) par Gide
Du début de chapitre IV
D'abord la version originale et puis, en orange, ma traduction.

"Marceline, cependant, qui voyait avec joie ma santé enfin revenir, commençait depuis quelques jours à me parler des merveilleux vergers de l’oasis. Elle aimait le grand air et la marche. La liberté que lui valait ma maladie lui permettait de longues courses dont elle revenait éblouie ; jusqu’alors elle n’en parlait guère, n’osant m’inciter à l’y suivre et craignant de me voir m’attrister au récit de plaisirs dont je n’aurais pu jouir déjà. Mais, à présent que j’allais mieux, elle comptait sur leur attrait pour achever de me remettre. Le goût que je reprenais à marcher et à regarder m’y portait. Et dès le lendemain nous sortîmes ensemble.

Elle me précéda dans un chemin bizarre et tel que dans aucun pays je n’en vis jamais de pareil. Entre deux assez hauts murs de terre il circule comme indolemment ; les formes des jardins, que ces hauts murs limitent, l’inclinent à loisir ; il se courbe ou brise sa ligne ; dès l’entrée, un détour vous perd ; on ne sait plus ni d’où l’on vient, ni où l’on va. L’eau fidèle de la rivière suit le sentier, longe un des murs ; les murs sont faits avec la terre même de la route, celle de l’oasis entière, une argile rosâtre ou gris que le soleil ardent craquelle et qui durcit à la chaleur, mais qui mollit dès la première averse et forme alors un sol plastique où les pieds nus restent inscrits. – Par-dessus les murs, des palmiers. A notre approche, des tourterelles y volèrent. Marceline me regardait.

J’oubliais ma fatigue et ma gêne. Je marchais dans une sorte d’extase, d’allégresse silencieuse, d’exaltation des sens et de la chair. A ce moment, des souffles légers s’élevèrent ; toutes les palmes s’agitèrent et nous vîmes les palmiers les plus hauts s’incliner ; - puis l’air entier redevint calme, et j’entendis distinctement, derrière le mur, un chant de flûte. –Une brèche au mur ; nous entrâmes.

C’était un lieu plein d’ombre et de lumière ; tranquille, et qui semblait comme à l’abri du temps ; plein de silences et de frémissements, bruit léger de l’eau qui s’écoule, abreuve les palmiers, et d’arbre en arbre fuit, appel discret des tourterelles, chant de flûte dont un enfant jouait. Il gardait un troupeau de chèvres ; il était assis, presque nu, sur le tronc d’un palmier abattu ; il ne se troubla pas à notre approche, ne s’enfuit pas, ne cessa qu’un instant de jouer. Je m’aperçus, durant ce court silence, qu’une autre flûte au loin répondait. Nous avançâmes encore un peu, puis : « Inutile d’aller plus loin, dit Marceline ; ces vergers se ressemblent tous ; à peine, au bout de l’oasis, deviennent-ils un peu plus vastes… Elle étendit le châle à terre : -Repose toi. »
Combien de temps nous y restâmes ? je ne sais plus ; - qu’importait l’heure ? Marceline était près de moi ; je m’étendis, posais sur ses genoux ma tête. Le chant de flûte coulait encore, cessait par instants, reprenait ; le bruit de l’eau… Par instants une chèvre bêlait. Je fermai les yeux ; je sentis se poser sur mon front la main fraîche de Marceline ; je sentais le soleil ardent doucement tamisé par les palmes ; je ne pensais à rien ; qu’importait la pensée ? je sentais extraordinairement… Et par instants, un bruit nouveau ; j’ouvrais les yeux ; c’était le vent léger dans les palmes ; il ne descendait plus jusqu’à nous n’agitait que les palmes hautes.

Le lendemain matin, dans ce même jardin je revins avec Marceline ; le soir du même jour j’y allai seul. Le chevrier qui jouait de la flûte était là. Je m’approchai de lui, lui parlai. Il se nommait Lassif, n’avait que douze ans, était beau. Il me dit le nom de ses chèvres, me dit que les canaux s’appellent séghias ; toutes ne coulent pas tous les jours, m’apprit-il ; l’eau, sagement et parcimonieusement répartie, satisfait à la soif des plantes, puis leur est aussitôt retirée. Au pied de chacun des palmiers un étroit bassin est creusé qui tient l’eau pour abreuver l’arbre ; un ingénieux système d’écluses que l’enfant, en les faisant jouer, m’expliquer, maîtrise l’eau, l’amène où la soif est trop grande."

"Le clown et le flûte" de Chagall

"For the last few days however, Marceline, who was watching with joy my health finally return, had started talking to me about the wonderful groves of the oasis. She loved the fresh air and walking. My illness had provided a certain liberation leaving her free to go for walks from which she returned elated. Up until then she had said very little about this, fearing that I might be tempted to follow her or be disheartened by her talk of pleasures that, as yet, were still beyond me. But now I was getting better she was relying on the appeal of these excursions to complete my recovery. I was being carried along by my renewed enjoyment of walking and watching. The very next day we went out together.

She led the way along a strange path the like of which I had never seen before in any country. The path ambles its way indolently between two fairly high terracotta walls that borders gently sloping gardens ; from the start it twists and turns and sometimes it seems to just stop ; a deviation will soon cause you to go astray and you no longer know where you have been or where you are going. Always close, the river skirts one of the walls, which are made with the same earth as the road and the oasis as a whole : a pinkish-grey clay that the blistering sun causes to crack, that hardens in the heat but then softens again with the first drop of rain when it becomes soft and malleable enough for naked feet to leave their imprints. – Above the walls, palm trees. Our arrival causes turtledoves to take flight. Marceline looked at me.

I forgot my fatigue and my discomfort. I was walking in a state close to ecstasy almost, of quiet joy, of exaltation of the flesh and the senses. A light breeze was picking up, stirring the palm trees and we watched as the tallest of the palms swayed backwards and forwards. Then the air became calm again and I could quite distinctly hear the sound of a flute coming from behind the wall. – A gap in the wall tempted us in.

It was a place full of light and shade ; a tranquil place where time stood still. A place full of the sound of silence, rustling, streams quietly watering the palms, and, escaping from one tree to the next, the discreet cooing of turtledoves. A child was playing a flute. He was tending a herd of goats. He was sitting down, almost naked, on the trunk of a fallen palm tree. As we approached, he didn’t get up. He didn’t run away. Only for a moment did he stop playing his flute.
During this short silence, I noticed that another flute could be heard answering in the distance. We went further into the grove, then Marceline said : “There’s no point in going any further, the groves all look the same, maybe they get a bit bigger near the end of the oasis.” She spread the shawl out on the ground. “Rest a while.”

How long did we stay there ? I don’t know – what did time matter ? Marceline was at my side ; I lay back and rested my head on her knees. The flute music flowed once more, stopping for a moment here and there before starting again ; the sound of water… From time to time a goat bleated. I closed my eyes ; I felt Marceline’s cool hand resting on my forehead ; I felt the hot sun gently filtered by the palms ; I wasn’t thinking of anything ; why bother thinking ? I felt extraordinarily… Then, from time to time, a new sound ; I opened my eyes ; a light wind too high to disturb us, played with the tops of the palms.

The following morning, I returned to the garden with Marceline ; then later that same evening, I went back alone. The goatherd boy who had been playing the flute was there. I went up to him, spoke to him. He was called Lassif ; he was only 12 ; he was beautiful. He told me what his goats were called ; he told me that the canals are called séghias ; the water didn’t flow every day, he told me. Water was distributed wisely and parsimoniously : just enough to quench the plants’ thirst and then it was switched off. Each tree had a narrow trough hollowed at its base to hold the water it needed. And, an ingenious system of sluices, with which the child toyed as he explained its workings to me, controlled and directed the water to where the thirst was greatest."
Lithographie de Chagall

mercredi 19 novembre 2008

Peindre d'après nature


Oeillets et gypsophila, huile sur papier.







Expressions colorées

Pourquoi expressions colorées ?
Une "expression", selon le dictionnaire Hachette que j'ai sur mon ordi, est une manifestation d'une pensée, d'un sentiment, par le langage, le corps, le visage, l'art.
Et "coloré" ? Un adjectif, bien entendu : qui (toujours d'après le dictionnaire) dénote ce qui a une couleur et, particulièrement, des couleurs vives. Ainsi "un style coloré" est un style plein d'images, brillant.
Tout çela décrit bien ce blog, me semble-t-il.

mardi 18 novembre 2008

De l'anglais vers le français


Après quelques jours à la dérive dans la blogosphère, je commence à me familiariser avec les fonctionnalités de base de mon blog. Or, le courage à deux mains, j'entame la prochaine étape de cette odyssey virtuelle : sortir une version française de Colourful Language. (Si vous voulez traverser la manche virtuelle afin de consulter la version anglaise de ce blog, il suffit de cliquer sur le petit drapeau en haut de ce page, ou si par malheur cela ne s'affiche pas, ici :


ou bien sur le lien sous Ma liste de blogs.)

La mise en page d'ores et déjà faite, il ne me reste qu'à traduire les missives ou bien les adapter en les réécrivant en français pour Expressions colorées. Je dis "adapter" car il s'agit de mes propres écritures et je suis donc plus libre de m'y offre le luxe d'y apporter quelques modifications... si ça me chante.

Et pour fêter ce premier passage de l'anglais au français, j'affiche une illustration bien francophile.
Vive la différence ! Vive l'entente cordiale !